
Nasreddin a quinze ans. Et comme tous les adolescents, il ne veut surtout pas faire comme son père. Il se trouve que celui-ci est le gardien du tombeau d’un saint, dans la ville de Konya. Nasreddin en parle à son père et celui-ci lui dit : — Mon fils ! Je te donne ma bénédiction. Regarde, je t’offre un âne, et tu peux aller voir le monde ! Nasreddin, tout heureux, s’en va avec son premier âne. Il fait des kilomètres sans s’arrêter sur cette petite monture adorée ! Il traverse des villages, longe des fleuves, va même dans le désert. Jusqu’au moment où, un matin, arrivé sur une petite colline, son âne n’en peut plus et pousse son dernier soupir. Alors il décide de l’enterrer. Seulement il a chaud… Alors il cherche quelque chose pour protéger sa tête, et il trouve un tissu… un long long tissu, tellement long, qu’il est obligé de l’enrouler autour de son crâne. Ainsi protégé, il enterre son âne, s’agenouille et prie pour lui. Si bien que les gens, le voyant, se disent que cet homme doit être un ermite qui prie sur le tombeau d’un saint ! La rumeur court et elle arrive jusqu’aux oreilles du père de Nasreddin. Celui-ci veut voir ça de ses propres yeux ! Il fait tout le chemin, arrive près de la petite colline, pousse des coudes pour s’approcher du tombeau, et là, surprise, il trouve son fils. — Nasreddin ! Nasreddin c’est toi ?! C’est toi L’ermite qui garde ce saint ?! — Non non papa. Écoute… il faut que je te dise… C’est l’âne que tu m’as offert que j’ai enterré là, et je n’ose pas le dire ! — Alors là. C’est incroyable !… Nasreddin, il faut que tu m’écoutes, je vais te dire un secret. Le tombeau du saint que je garde à Konya… — Oui ? — C’est la tombe de l’âne que mon père m’avait offert !
Les secrets de famille révélés sont libérateurs. Fuir l’exemple de ses parents n’aide pas forcément à s’en libérer. L’habit fait souvent le moine. Plus le turban d’un sage est grand, plus on y croit. Mais ce n’est pas forcément justifié.