En ce temps-là, entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait. Or, il y avait un homme du nom de Zachée ; il était le chef des collecteurs d’impôts, et c’était quelqu’un de riche. Il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait pas à cause de la foule, car il était de petite taille. Il courut donc en avant et grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui allait passer par là. Arrivé à cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Vite, il descendit et reçut Jésus avec joie. Voyant cela, tous récriminaient : « Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. » Zachée, debout, s’adressa au Seigneur : « Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
Dans cet extrait de l’Évangile nous sommes dans la ville de Jéricho. À cette époque, Jéricho était la deuxième ville en importance après Jérusalem. Or, dans cette ville, il y avait des postes de collecte d’impôts pour l’empire Romain. Le personnage de Zachée était le chef des publicains collecteurs des impôts de la région.
La façon de faire du responsable de la cueillette des sommes dues à Rome se faisait comme suit : le collecteur établissait lui-même la somme que chaque citoyen devait verser en fonction de ses revenus. Ainsi, il était reconnu que ceux-ci avaient l’habitude de surévaluer les revenus et d’exiger plus que ce que la loi exigeait. Les surplus encaissés s’ajoutaient au salaire que Rome accordait aux collecteurs.
Comme Zachée était chef de nombreux collecteurs, il en profitait pour exiger de ses subalternes qu’ils participent à son enrichissement plutôt malhonnête. Cela lui permettait de prêter de l’argent aux pauvres à des taux qui lui convenaient. Voilà la situation de Zachée au moment où Jésus passe dans la ville de Jéricho. Ici, on ne parle pas d’un simple commis, mais bien d’un homme très fortuné, et détesté de la plupart de ses concitoyens, des religieux et notables du Temple.
Dans ce contexte, les biens accumulés par Zachée lui étaient plus que suffisants. Toutefois, il lui manquait quelque chose de très important; la reconnaissance de ses proches et de sa communauté. Il est probable qu’il portait en lui ce désir non répondu qu’il ne pouvait réaliser sans prendre le risque de perdre ses acquis.
Mais voilà que ce Nazaréen, nommé Jésus, dont tout le monde parle de ses nombreuses guérisons et enseignements à propos du pardon et de la miséricorde, vient près de chez lui. Selon les dires de certains, il accueillait les publicains comme lui et il pouvait leur remettre leurs péchés et promettre le Royaume s’ils se repentaient et renonçaient à leurs mauvaises habitudes. C’est assurément ce désir, plus qu’une simple curiosité qui poussa un homme dans la situation de Zachée à grimper sur un sycomore pour voir Jésus.
Là, il reçoit une parole de Jésus que l’on peut voir comme un ordre. « Zachée descend, Il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » Le seul fait qu’un homme avec la renommée de Maître en Israël le reconnaisse, lui adresse la Parole et lui demande l’hospitalité éveille en lui son désir. Il n’en fallait pas plus pour purifier son cœur et le libérer de l’enfermement qu’il vivait.
Si Zachée a ressenti une grande joie, comme le texte nous le dit, c’est que son cœur a été guéri. Enfin, il pouvait prendre tous les risques, car son avenir en Dieu était assuré. On venait lui confirmer qu’il était lui aussi un fils d’Abraham. Et pour un Israélite, tout le reste importe peu. On connaît la suite du comportement de Zachée dans son désir de réparer les torts qu’il avait causés à ses concitoyens dans l’exercice de ses fonctions.
Évangile du dimanche 16 novembre 2025 – 33e dimanche du temps ordinaire
« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21, 5-19)
En ce temps-là, comme certains disciples parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »
Ce que nous admirons sera détruit, même les 7 merveilles du monde. Notre émerveillement n’est pas pour autant sans valeur. Cependant, s’imposent aussi à notre regard les guerres, les cataclysmes, les persécutions... Gaza... l’Ukraine... tant de ruines... comment ne pas être pris en otage par la peur ?
Accueillir sa Parole, celle qui ne mourra jamais... « Ne soyez pas terrifiés ».
Après presque 40 ans de ministère, il m’est arrivé à maintes reprises d’entendre que le monde va mal, que la fin du monde va arriver et que Dieu va faire du ménage dans ce monde chaotique. À chaque fois, la même peur prenait en otage les personnes et les paralysait... Des prophètes de malheur, eux-mêmes effrayés, trouvaient leur consistance à travers la crédibilité qui leur était accordée par leur auditoire. Il s’en trouve aussi chez les croyants. Je me souviens, à l’occasion du passage de l’an 2000, un prêtre avait lui-même donné du crédit à une personne qui disait qu’un grand lac de la région allait se vider et que toutes les résidences qui n’avaient pas la grande croix de Dozulé dans leur cour, allaient périr dans l’inondation engendrée par le déluge des eaux. Dans la peur suscitée par cette annonce, des croyants se rassemblaient dans la résidence du prêtre pour prier. L’événement devait se produire en juillet. Parmi les croyants, deux jeunes adolescents. À l’approche de la date, ceux-ci voulaient demeurer dans la résidence du prêtre pour prier... Ils étaient dans un dilemme : s’ils n’étaient pas dans la maison au moment de l’inondation, ils ne seraient pas sauvés... s’ils y demeuraient, ils iraient au ciel. Les parents, inquiets pour leurs fils, ont voulu aller les chercher... Les adolescents eux-mêmes ne voulaient pas sortir de la résidence... c’est le père qui a dû forcer la porte pour aller les chercher. Rien ne s’est passé, si ce n’est ce drame de la prise d’otage des personnes par la peur qui trouvait son carburant dans la réalité inquiétante de la société.
Évangile du samedi 15 novembre 2025 – 32e semaine du temps ordinaire
« Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? » (Lc 18, 1-8)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.” Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »
Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Prenons un moment pour nous ouvrir à cet enseignement de Jésus sur l’importance de prier sans cesse… et ce, avec foi!
Prier sans nous laisser arrêter par ce que nous pourrions interpréter comme étant l’absence ou le silence de Dieu…
Prier en prenant le temps de bien nommer notre désir profond : en effet, la prière persévérante permet de creuser le désir…1
« Rends-moi justice contre mon adversaire », crie la veuve…
Rends-moi justice :
Rends-moi justice…
Mon Dieu, rends-moi justice….
Oui, je le crois : bien vite, Dieu me fera justice!
Si je lui ouvre la porte, le Christ viendra rencontrer la veuve et le juge dépourvu de justice qui habitent parfois mon cœur….
Alors, permettons au Christ de visiter ce juge intérieur qui ne veut entendre aucune plainte, ce juge impatient devant la densité de la condition humaine… Permettons au Christ d’être miséricorde avec ce bourreau de soi-même et des autres parfois…
Ainsi, avec le Christ situé entre le juge et la veuve, comme il le fut entre les Pharisiens et la femme adultère, entre Simon et la prostituée, entre les deux larrons… oui, avec le Christ, Dieu nous fera justice !
Il enseignera au juge intérieur comment rendre justice avec amour;
Il dira à la veuve que sa vie et sa prière ont de la valeur, qu’Il a vu ses piécettes déposées au Temple,
Et les deux apprendront à cohabiter dans le meilleur d’eux-mêmes, sachant que jamais Dieu ne désespère de l’humain :
Sa force est toujours disponible, son repas toujours prêt…
Chaque fois que nous crions vers Lui, nous lui permettons d’être Dieu… il croit en chacun de nous… Il sait que malgré notre cœur parfois aveugle, sourd ou endurci, le cri du pauvre peut nous faire agir…
Comme l’illustre cette histoire vécue en notre temps…
Les mitaines
Elle le regardait pleurer, le nez rouge, les mains tremblantes dans le froid.
Encore une fois, il avait oublié ses mitaines. Elle serra les poings dans ses poches, agacée, presque en colère.
Le vent soufflait plus fort. Ses doigts à elle commençaient à picoter. Sous sa colère, il y avait cette drôle de chose discrète qu’elle n’aimait pas sentir et qui ressemblait à de la bonté.
Sans un mot, elle retira ses mitaines et les lança vers lui avec un regard d’impatience.
— Tiens, lui lança-t-elle d’un ton dur.
Évangile du vendredi 14 novembre 2025 – 32e semaine du temps ordinaire
« Le jour où le Fils de l’homme se révélera » (Lc 17, 26-37)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme. On mangeait, on buvait, on prenait femme, on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche et où survint le déluge qui les fit tous périr. Il en était de même dans les jours de Loth : on mangeait, on buvait, on achetait, on vendait, on plantait, on bâtissait ; mais le jour où Loth sortit de Sodome, du ciel tomba une pluie de feu et de soufre qui les fit tous périr ; cela se passera de la même manière le jour où le Fils de l’homme se révélera. En ce jour-là, celui qui sera sur sa terrasse, et aura ses affaires dans sa maison, qu’il ne descende pas pour les emporter ; et de même celui qui sera dans son champ, qu’il ne retourne pas en arrière. Rappelez-vous la femme de Loth. Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera. Je vous le dis : Cette nuit-là, deux personnes seront dans le même lit : l’une sera prise, l’autre laissée. Deux femmes seront ensemble en train de moudre du grain : l’une sera prise, l’autre laissée. » Prenant alors la parole, les disciples lui demandèrent : « Où donc, Seigneur ? » Il leur répondit : « Là où sera le corps, là aussi se rassembleront les vautours. »
Ouvrons le journal, ou consultons les dernières nouvelles sur nos smartphones : toujours plus d’informations bouleversantes ou inquiétantes nous atteignent, au risque de mettre à mal notre espérance, notre foi en l’homme et notre désir d’un monde meilleur…
L’Evangile de ce jour ne vient-il pas ajouter encore à notre inquiétude, tant il fait écho à une actualité bien présente ? Mais le Christ ne parle pas pour semer la peur : il appelle à la vigilance du cœur, à une lucidité habitée par la foi.
En cette fin d’année liturgique, la Parole nous oriente vers l’attente du Royaume, non comme un événement lointain, mais comme une réalité déjà à l’œuvre dans le monde et dans nos vies. Jésus nous rappelle que cette ouverture au Royaume ne peut se faire sans un certain détachement : être prêt à se mettre en route, à tout moment, sans s’agripper à ce qui nous rassure, ni à ce qui fait le confort de notre quotidien. L’enjeu n’est pas de mépriser la vie ordinaire, car il est bon de manger et de boire, de se marier et de travailler : cela fait partie intégrante de notre condition d’hommes. Jésus ne le met pas en cause ; il nous invite seulement à le vivre dans une juste liberté, en l’orientant vers l’essentiel.
Ce que le Christ vient questionner, c’est notre manière de vivre : sommes-nous enracinés dans le présent comme des veilleurs, ouverts à la venue du Royaume, ou bien endormis dans nos sécurités ? Le risque est grand de se laisser absorber par l’urgence, le souci ou la réussite, au point d’oublier la dimension ultime de notre existence. Or, c’est précisément l’espérance du Royaume qui donne sens et profondeur à tout le reste. Elle ne nous détourne pas du monde : elle nous apprend à y habiter autrement, avec un cœur libre et attentif.
Cette liberté intérieure est au cœur de tout chemin spirituel. Elle ne s’obtient ni par l’effort ni par un renoncement volontariste, mais par une conversion du regard. Dans l’accompagnement, nous voyons l’importance d’aider chacun à discerner ce qui, dans sa vie, conduit vers la Vie ou au contraire enferme dans la peur et la possession. Être prêt à tout laisser derrière soi, comme le dit Jésus, c’est consentir à vivre dans la confiance que Dieu est déjà là, au cœur même de nos fragilités et de nos épreuves.
Évangile du jeudi 13 novembre 2025 – 32e semaine du temps ordinaire
« Le règne de Dieu est au milieu de vous » (Lc 17, 20-25)
En ce temps-là, comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il prit la parole et dit : « La venue du règne de Dieu n’est pas observable. On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” En effet, voici que le règne de Dieu est au milieu de vous. » Puis il dit aux disciples : « Des jours viendront où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. On vous dira : “Voilà, il est là-bas !” ou bien : “Voici, il est ici !” N’y allez pas, n’y courez pas. En effet, comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme, quand son jour sera là. Mais auparavant, il faut qu’il souffre beaucoup et qu’il soit rejeté par cette génération. »
En méditant cette Parole : « Le règne de Dieu est au milieu de vous », je ne peux m’empêcher de penser le centre de nos existences, ce cœur profond qui palpite et vers lequel nous nous réfugions pour écouter la respiration de Dieu. Plus qu’un centre, c’est une ancre.
Récemment, nous avons assistés, en famille, à une célébration funéraire 100% laïque d’un parent que je n’ai pas connu mais qu’on m’a dit profondément croyant. Durant la cérémonie, des souvenirs et des gestes dépourvus de profondeur se sont succédé en un étrange rituel. Comme un bricolage rapidement exécuté; la colle, abondamment utilisée, n’ayant pas le temps de sécher. Entre un chanson western choisie au hasard et l’invitation à venir se recueillir sur une guitare, aucune trace, aucune évocation du passage de Dieu pourtant si présent dans la vie de ce parent. Les chaises cordées, les gens repliés sur eux, nous étions tous et toutes là, sans milieu. Les personnes venues demeuraient adossées, muettes, contre le mur, regardant leur montre, chuchotant à propos des enfants trop grouillants. Au milieu de la petite salle désincarnée, que des chaises vides. Nous avons été invités à nous asseoir, plusieurs préféraient se tenir debout à l’arrière. Offrant une place près de moi, l’un de ces inconnus m’avoua qu’en demeurant debout, il serait plus facile de s’éclipser rapidement. Dans la tristesse et l’indifférence, le bricolage morne se mit en branle avec des reflets plus ou moins justes d’une célébrante se débattant dans le non-sens : « vous me semblez une famille unie, c’est beau de vous voir », dit-elle sans ironie.
Puis la petite fille du défunt, étincelante de jeunesse, leva la main, poussée par la Parole qui décentre. Elle demanda à témoigner et quel témoignage! La voix tremblante, les pleurs retenus, elle racontait la joie vécue auprès de ce grand-père non sans travers. Sa petite enfance s’écoula doucement à rouler des cigarettes en compagnie de ce grand-père ou à réciter le chapelet alors que les paroles lui échappaient du haut de ses 5 ans. La clarté de son visage, la tristesse de son rire, l’amour qu’elle irradiait; tout son être semblait annuler d’un trait l’insignifiance de ce qui venait de se dire et de ce qui n’avait pas eu lieu. Le centre de ce grand-père, présenté avec ses appartenances et ses accessoires, s’était dissous. Sa petite-fille, en témoignant avec le Souffle et dignité venait de rétablir un milieu; un milieu foisonnant qui a jailli à partir de l’amour porté à son grand-père. Ce lieu, mi-humain, mi-divin, où l’on pouvait accueillir Dieu au centre d’une vie importante même si méconnue de la plupart d’entre nous. Au milieu de nous, le fils pouvait enfin retourner vers le Père. Au milieu de nous, le Fils pouvait enfin retourner vers ce père et ce grand-père.
Évangile du mercredi 12 novembre 2025 – 32e semaine du temps ordinaire
« Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » (Lc 17, 11-19)
En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. »
En cours de route, ils furent purifiés. L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Cette page d’évangile de guérison met en valeur un des dix lépreux qui revient sur ses pas pour remercier Jésus. Suis-je capable de gratitude ? Sommes-nous capables collectivement d’exprimer la reconnaissance ? 90% de ces lépreux ont vécu leur guérison comme un fait. C’est un fait matériel : « voilà je suis guéri. Ouf… retournons à nos affaires ! » semblaient-ils dire… Un seul a vécu sa guérison comme un cadeau que le remerciement célèbre.
La gratitude est l’acte spirituel qui —discernant le don— remonte jusqu’à l’intention intime du donateur. Le lépreux reconnaissant comprend que la guérison était le signe corporel de quelque chose de plus formidable. En suivant le fil du « merci », le signe de la guérison guide le lépreux jusqu’à sa signification ultime. Empruntant à l’envers le chemin vers son guérisseur, le lépreux reconnaît le cœur de Dieu. À partir de la guérison corporelle, une guérison plus vaste s’opère lorsque le lépreux entre dans un cœur à cœur avec Jésus. Pour ce lépreux, la guérison devient un acte de salut. À la grâce répond harmonieusement l’action de grâce.
La lèpre est une contagion du mal, mais la gratitude est la contagion de l’amour. En sortant du cinéma, si l’on tient ouverte la porte devant moi, mon remerciement s’exprime en maintenant ouverte cette porte pour le spectateur qui suit. Ainsi, se forme une chaîne de gratitude. Dire merci apaise les tensions et invite à la célébration.
Depuis des siècles, l’homme moderne a conçu son accès à la maturité comme un arrachement : être libre, c’est exister par soi-même, à partir de son propre fond. Notre mode de vie proclame notre auto-suffisance : « Je coupe le fil qui me relie au monde afin de me réinventer dans un choix dont je maîtrise tous les paramètres » semble dire l’homme moderne. Le moi sans la relation aux autres, c’est l’individu qui tourne sur lui-même. L’homme sans le cadeau de la Création n’est qu’un prédateur. Couper l’humain du Créateur, c’est nier la profondeur qui nous enrichit. L’homme n’est alors qu’un amas de cellules sans âme. Pour l’homme incapable de dire « merci », être libre, c’est opposer à ce qui nous fait exister le refus catégorique de celui qui ne veut pas dépendre.
Dans une pièce de théâtre, Jean-Paul SARTRE mit en scène ce refus de se recevoir de Dieu. Il imagina Électre ridiculisant le dieu Jupiter au jour de sa fête. Cette princesse allait-elle offrir au dieu des libations de vins fins pour célébrer l’existence reçue ? Électre allait-elle remercier son Créateur comme le lépreux reconnaissant ? Non, elle déversa sur la statue de Jupiter des rebuts pourris. À une existence ressentie comme absurde, elle répondait par le déversement d'ordures : « Tiens : voilà des épluchures et toute la cendre du foyer, et de vieux bouts de viande grouillants de vers, et un morceau de pain souillé, dont nos porcs n’ont pas voulu. » (1)
Évangile du lundi 10 novembre 2025 – 32e semaine du temps ordinaire
« Si sept fois par jour ton frère revient à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras » (Lc 17, 1-6)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il est inévitable que surviennent des scandales, des occasions de chute ; mais malheureux celui par qui cela arrive ! Il vaut mieux qu’on lui attache au cou une meule en pierre et qu’on le précipite à la mer, plutôt qu’il ne soit une occasion de chute pour un seul des petits que voilà.
Prenez garde à vous-mêmes ! Si ton frère a commis un péché, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui. Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. »
Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »
Cet extrait d’évangile est l’un des plus révélateurs de la nouveauté du message de grâce de Jésus. La place des petits au cœur de nos décisions et actions. Le scandale vient bousculer nos certitudes et nos sécurités. Peur, colère et révolte se bousculent en nous. Cependant, comme tout évènement révèle qui nous sommes en dedans, les scandales nous interrogent et nous mettent au défi. Qui sommes-nous? Quelle est notre réponse? Quelle est notre foi? Quelques échos pourraient nous aider dans notre réflexion.
Le scandale et les occasions de chutes : une vie, une relation sans scandale, sans blessure ni indignation, ça n’existe pas. Mais comment sont-ils traversés? Pour les gros scandales c’est tout vu. La loi, la police, le tribunal… Mais... les petits scandales au quotidien. Ceux dont nous sommes les seuls témoins, en lien ou pas avec nos proches. Ces petits scandales qui défigurent progressivement l’image du Christ en nous et chez les autres. Nous les justifions et pourtant ils marquent de leurs empreintes invisibles nos relations, nos communautés chrétiennes et sociales. Thérèse d’Avila disait :’’Tout passe seul Dieu demeure.’’ Et ce Dieu ne se contente pas de réponses évasives ou de chutes sans relèvements. L’indignation est nécessaire, et légitime mais après qu’en faisons-nous? Sur quoi nous ouvre t-elle? Son expression peut nous révéler un pan de nous-même que nous n’avons pas trop envie de regarder.
Les actes scandaleux et les petits : Nous sommes liés à une même sphère de grâce. Un scandale provoque aussi le mauvais exemple. Et ce sont les petits qui en pâtissent. Ces petits sont bien plus proches que nous ne l’imaginons. Comment arrêter la cascade de dégâts? Humilité, aveu, regret, demande de pardon et réparation dans la mesure du possible. Il y a plusieurs manières de réparer. Cherchons et nous trouverons.
Le péché d’autrui et nous: François d’Assise mettait ses frères en garde contre l’indignation devant le péché d’un frère. Car se faisant c’est s’attribuer un droit qui n’appartient qu’à Dieu. Celui de juger d’une faute et de s’indigner. Le péché d’autrui ne doit pas nous faire sentir supérieur à celui qui a péché ni nous laisser détruire par ce péché. Son péché, c'est son combat, pas le mien. Humilité et courage.
Le repentir et le pardon accordé : Pourquoi monte soudain d'un cœur le repentir après une action mauvaise et rien chez l’autre? Pourquoi l’un choisit-il de pardonner et l’autre pas? Le repentir et le pardon ne sont pas de l’ordre d’une équation, même bienfaisante pour l’âme. Ils ne sont pas de l’ordre d’une solution ou d’un remède. C’est un mystère, un don que l’on demande et que l’on reçoit. C’est de l’ordre du cœur, des motions de Vie. Et la Vie c’est Jésus. C’est en lui que nous pouvons demander sincèrement pardon et recevoir le pardon en plénitude.
Évangile du dimanche 9 novembre 2025 – Dédicace de la basilique de Latran
« Il parlait du sanctuaire de son corps » (Jn 2, 13-22)
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.
C’est souvent un « cœur brûlant » qui se cache derrière les réalisations les plus importantes... comme un buisson ardent qui ne se consume pas et où notre nom est prononcé. Cette ferveur suscite le don de notre vie. L’ampleur de cet investissement de soi parle de la force de l’expérience qui nous a saisi et qui appelle tout notre être et toute notre vie. Les trois heures de route pour celui qui veut retrouver sa bien-aimée ne sont pas un obstacle... La maison qu’ils vont construire n’est pas un dortoir... Les repas qu’ils feront ne sont pas pour offrir un service de traiteur... Leur amour appelle un foyer. Ils construisent un espace sacré pour la communion, leur vie de famille et leur amour. Comme un feu, cet amour les embrase et leur donne de devenir contagieux d’une chaleur dont ils ne sont pas la source : c’est le visage d’un autre (et de l’Autre) qui les a saisis. Cette ferveur qui les habite les fait entrer dans une expérience où il n’y a pas de calculatrice !!! Dans la radicalité de cet engagement, ils auront aussi rendez-vous avec leur part d’ombre... ce lieu où l’obscurité a besoin de se dévoiler pour que la lumière puisse y entrer... Leonard Cohen chantait « There is a crack in every thing, and that’s how the light gets in ».
Le Temple, dont la construction avait débuté il y a 46 ans, n’était pas terminé au temps de Jésus. Sa construction s’est terminée en 63, après plus de 75 ans de construction ! Son périmètre faisait 1 500 mètres. Sept ans plus tard, en 70, il était détruit. On ne doute pas que l’expérience qui en était la source était immense. La rencontre de ce Dieu qui entend les cris de son peuple et vient le délivrer au cœur de son histoire, a été bouleversante. Ce Dieu nomade, pèlerin avec son peuple, se donnait à rencontrer sur leur route. Le sacré de cette expérience se révélait de manière inattendue... et ils en inscrivaient la trace pour en faire mémoire... une stèle, un sacrifice, un puits, une tente de la rencontre, le chêne de Mambré, la traversée de la mer Rouge, le passage du Jourdain... L’histoire était marquée de cette Présence de Dieu... Par-dessus tout, le Temple de Jérusalem incarnait ce désir de rencontrer Dieu et de se mettre à son écoute. L’agora de cette possible rencontre est aujourd’hui ce site internet ou cette enceinte radiophonique.
L’expérience de Son Amour libère nos forces d’aimer en nous délivrant du champ gravitationnel de nos intérêts propres. Alors, surgissent des initiatives, des créativités, des constructions, qui trouvent leur origine dans ce Don qui nous est fait et révélé.
Évangile du samedi 8 novembre 2025 – 31e semaine du temps ordinaire
« Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? » (Lc 16, 9-15)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
Quand ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. Il leur dit alors : « Vous, vous êtes de ceux qui se font passer pour justes aux yeux des gens, mais Dieu connaît vos cœurs ; en effet, ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu. »
Méditation - Inventaire de Trésorerie
Aujourd’hui, Jésus nous invite à regarder avec vérité notre relation à Dieu et notre rapport à l’argent…. Qui est mon maître? Où est mon trésor?
« Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur ». (Lc12, 34)
Préparer cette méditation m’amène à constater qu'il n'est pas toujours facile de parler d'argent ! Par exemple, j’ai constaté que c’est souvent difficile de parler librement de l’argent dans un couple; la réalité financière touche profondément notre incarnation au quotidien et a un impact dans nos relations.
Si nous en sommes capables, ouvrons simplement à l’Esprit ce domaine des finances dans notre vie : nous pouvons lui ouvrir notre budget, notre compte en banques, notre pauvreté ou notre richesse, nos émotions devant l’argent…
Avec l’Esprit, écoutons Jésus nous dire : Faites-vous des amis avec l'argent malhonnête… Au premier regard, l'argent malhonnête pourrait être vu comme l'argent qui a été gagné de manière malhonnête; cependant, en creusant le texte, on pourra découvrir que l'argent malhonnête peut aussi s'appeler l'argent trompeur, comme c’est nommé dans la bible TOB.
Et l’argent peut être trompeur de multiples façons :
Au fond, Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, n’est-ce pas se laisser inspirer par Zachée ( Lc 19,1-10):
Dieu connaît nos cœurs… Il connaît aussi l’action de l’Esprit en nos cœurs2…
Dans la mouvance de l’Esprit ,
Évangile du vendredi 7 novembre 2025 – 31e semaine du temps ordinaire
« Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière » (Lc 16, 1-8)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens. Il le convoqua et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.” Le gérant se dit en lui-même : “Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte. Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.” Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : “Combien dois-tu à mon maître ?” Il répondit : “Cent barils d’huile.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.” Puis il demanda à un autre : “Et toi, combien dois-tu ?” Il répondit : “Cent sacs de blé.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu, écris 80.” Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière. »
L’Évangile du jour nous sert une autre parabole de Jésus contenant un message important pour nous. Chacune et chacun de nous est invité à trouver sa propre « clé » pour la saisir. Il existe plusieurs commentaires bibliques qui expliquent ce passage de l’Évangile qui semble être assez contradictoire avec les autres écritures saintes. Il est surtout surprenant à cause de la louange adressée au gérant malhonnête. Selon certaines sources, lorsque le gérant diminue des dettes que les personnes devaient à son maître, il abandonne en réalité son propre profit qu'il tirait aux dépens des possessions de son maître. C'est la raison pour laquelle son maître l'a loué. Un autre point est éclairé par le texte suivant : « Comprenons bien : ce n’est pas sa corruption dont Jésus fait l’éloge, mais plutôt la sagacité avec laquelle il agit, même dans une circonstance difficile. En effet, le voilà désormais sans travail, puisque son maître, le riche, l’a renvoyé, précisément pour canaillerie. Afin d’assurer son futur, l’ancien gérant cherche à se faire des amis parmi les anciens clients de son patron »[1].
Avec la phrase « les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière », Jésus souligne qu’on peut apprendre même « des fils du monde » l’habilité qu’ils ont pour préparer leur avenir. Les « fils de la lumière »[2] doivent faire le même effort pour atteindre les richesses plus grandes de la vie éternelle. L’autre aspect qui est important dans cette parabole, c’est l’importance des relations. L’argent, le profit, les statuts prennent fin un jour. Ce qui reste et qui nous aide à vivre, ce sont les relations avec les autres.
… J’ai relu cette parabole et un nouvel aspect s’ouvre pour moi dans la première phrase : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens ». Cette phrase m’interpelle. Qui est cet homme riche qui a confié ses biens à un dirigeant ? Je l’identifie avec Dieu. Tout provient de Lui, c’est Lui la source de tous les biens sur la terre. Et le dirigeant, c’est moi ou chaque être humain qui reçoit tout de Dieu. La question posée par Saint-Paul me traverse la tête : « As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? (1 Cor 4, 7).
Je m’arrête un instant pour penser aux biens que j’avais reçus : la vie comme un bien principal, la création – notre maison commune, les relations, les talents, les dons personnels, le temps, l’amour, les opportunités, les circonstances favorables, les appels, les inspirations, les révélations…
Évangile du jeudi 6 novembre 2025 – 31e semaine du temps ordinaire
« Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit » (Lc 15, 1-10)
En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Si l’un de vous a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas les 99 autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux, et, de retour chez lui, il rassemble ses amis et ses voisins pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue !” Je vous le dis : C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit, plus que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion.
Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !” Ainsi je vous le dis : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertit. »
Les 99
Je retrouve ce matin la savoureuse parabole de la brebis perdue. Le désir de s’écarter du conformisme et de la bien-pensance qui instaurent un confort moralisateur de fils aînés, la quête d’une toute-puissance confondue avec la liberté, cette soif de conquête, d’aventure et d’extériorité. Il y aurait tant à méditer sur notre tiraillement quotidien entre le désir la passion de la brebis perdue et l’abandon vécu par les 99 qui se trouvaient justes. Au cœur de cette parabole, il y a la joie, si immense qu’elle rassemble et appartient à la splendeur du ciel.
Or, c’est le chagrin de sainte Monique qui m’habite ce matin : le chagrin d’une mère qui est sur le point de saisir que son enfant perdu est pourtant déjà sauvé. Saint Augustin est sans aucun doute cette brebis passionnée et perdue, si vif, si prodigue, si brillant et si manichéen. En songe et en prière, Monique sera visitée et consolée par les songes puis par un évêque : « Ne crains pas. Il est impossible que périsse ce fils de tant de larmes ». Monique aura tant pleuré, elle aura tant traversé, écorchée la colère et la désespérance. 15 ans de larmes et de prières pour que l’errance d’Augustin rencontre l’accueil foudroyant du Père. Combien sommes-nous de mères, biologiques, adoptives, spirituelles, à avoir tant pleuré sur cet enfant perdu, cette brebis passionnée, ingrate, féconde et brillante comme le firmament ? Pour ces enfants qui prennent les chemins de traverses et le rejet de la foi, avons-nous conscience que Dieu est déjà à leur recherche et que son élan prend sa source dans notre prière et nos larmes ?
Contemplant le berger qui abandonne les 99 autres au désert, ajoutera Chouraqui dans sa traduction, une tendresse sur le seuil de l’adoration se fait jour. Ces 99 brebis-mères n’ont pas besoin de retour ou de conversion car elles sont les agents même de la conversion. Dans le regard éploré de toutes les Monique qui nous habitent, le berger a pu les délaisser dans de telles conditions, non pas parce qu’il les estimait plus conformes mais parce qu’il avait foi en elles. Une communauté priant le retour d’une des leurs, se préparant à accueillir avec la tendresse de Marie, avec la puissance si fragile et délicate de la consolation, le retour de cette enfant-sœur et ses égarements. Le départ de cette brebis leur a peut-être permis d’entrer dans cet approfondissement de la dimension maternelle et paternelle de Dieu afin de devenir une demeure pour l’autre.
Évangile du mercredi 5 novembre 2025 – 31e semaine du temps ordinaire
« Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple » (Lc 14, 25-33)
En ce temps-là, de grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple. Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui : “Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !” Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix. Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Méditation - Déclouer la croix pour marcher
Dans une société de la consommation, nous refusons ce qui nous restreint. Pourtant, les décisions qui nous limitent sont aussi celles qui nous construisent. Détestant les fermes résolutions, nous papillonnons avec négligence au lieu d’affronter avec sérieux les décisions cruciales qui sculptent notre existence ! Intoxiqués par les mondes virtuels où tout est possible, dématérialisés par les écrans qui tiennent le réel à distance, nous refusons la vie concrète dans laquelle les choix radicaux fondent notre profondeur. Beaucoup disent que la liberté, c’est se gaver de tous les possibles… Mais, celui qui voudrait vivre tout ne sera qu’un ballon gonflé d’illusions. Les limites nous contraignent tout autant qu’elles nous définissent. Être pour… ce que je choisis revient à se déterminer contre… ce que j’écarte. Pour dire vrai, les choix qui dessinent le profil de notre existence supposent des privations.
Pour grandir dans la vie spirituelle, Jésus définit les exigences de la seconde naissance comme disciple. Qu’est-ce qu’être disciple de Jésus ? L’admirateur qui s’enthousiasme pour le Christ se laisse éblouir par la ferveur d’un instant. Avec réalisme, Jésus enseigne que le disciple doit soutenir l’épreuve du temps (1 Pierre 1,7). Pour naître de nouveau, il doit consentir au lent travail qui malaxe l’être en profondeur. Cette remise en question fait peur. Le jeune homme riche voulait bien suivre une route connue… mais, il refusa de s’exposer au renversement de la conversion (Mc 10,17-31) !
Avec lucidité, Jésus pose devant nous une interrogation radicale : sur quoi ma vie est-elle fondée ? Avant de Le suivre, Jésus conseille de réfléchir et de « s’asseoir pour calculer la dépense ». Aurai-je assez de fonds pour achever ma construction ? Car, mener une vie qui a une saveur céleste requiert un engagement. Préférer le Christ à sa propre vie, c’est accepter de ne plus être son maître pour faire route avec cet Autre qui sera notre Seigneur. Cette préférence accordée au Christ n’est pas une mutilation. Car, le Dieu des vivants (Mc 12,27) ne détruit pas la vie qu’il suscite (Sg 1,13).
Évangile du mardi 4 novembre 2025 – 31e semaine du temps ordinaire
« Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie » (Lc 14, 15-24)
En ce temps-là, au cours du repas chez un chef des pharisiens, en entendant parler Jésus, un des convives lui dit : « Heureux celui qui participera au repas dans le royaume de Dieu ! » Jésus lui dit : « Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. À l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : “Venez, tout est prêt.” Mais ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser. Le premier lui dit : “J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi.” Un autre dit : “J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi.” Un troisième dit : “Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir.” De retour, le serviteur rapporta ces paroles à son maître. Alors, pris de colère, le maître de maison dit à son serviteur : “Dépêche-toi d’aller sur les places et dans les rues de la ville ; les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux, amène-les ici.” Le serviteur revint lui dire : “Maître, ce que tu as ordonné est exécuté, et il reste encore de la place.” Le maître dit alors au serviteur : “Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie. Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner.” »
Afin de saisir le message contenu dans cette parabole de Jésus, il faut mettre en lumière le désir de Dieu envers l’être humain qui est de construire avec celui-ci son Royaume dans notre monde. Pour ce faire, Dieu aurait déposé en chaque être humain ce même désir. Et l’amour n’est-il pas la rencontre de deux désirs ?
Au long de son ministère pastoral, Jésus a tout fait pour éveiller chez les personnes qu’Il côtoyait ce désir du Royaume, c’est-à-dire d’être avec son Père. Ainsi, lorsqu’un pharisien Lui mentionne toute la joie que l’on devrait vivre à participer à un repas dans le Royaume, il n’en fallait pas plus à Jésus pour saisir l’occasion de raconter une parabole au sujet du Royaume de Dieu.
Le Royaume est un monde où nous sommes attendus par Dieu. Et pour que le Seigneur soit assuré que nous ne passions pas à côté de ce Royaume, Il prend soin de nous adresser une invitation personnalisée pour assister au repas qu’Il nous a préparé. Dans les faits, cette invitation s’apparente très bien à un appel de mission, aussi petite soit-elle.
Combien de fois avons-nous entendu Dieu nous demander de nous unir à Lui pour un geste à poser envers quelqu’un qui en avait besoin ? Cela a pu prendre la forme d’une invitation à aller visiter une personne malade ou qui vivait de la solitude, ou une sollicitation par un organisme à nous engager pour venir en aide à des gens démunis, ou encore de nous investir dans une vocation de relation d’aide, ou tout simplement de nous faire présent à une personne vivant une période difficile dans sa vie, etc, etc, etc...
Combien d’excuses avons-nous formulées pour ne pas avoir à répondre à ces appels de Dieu pour nos semblables ? Bien des fois, nos occupations du moment ou nos responsabilités ont pris toute la place dans notre vie.
Heureusement, le Seigneur ne désespère pas de notre peu d’enthousiasme à son invitation. Il nous relance sans cesse dans l’espérance que nous revenions sur notre décision et que nous acceptions de participer avec Lui à la venue de son Royaume. Décliner son invitation c’est manquer l’occasion de goûter la joie de devenir ce pourquoi nous sommes faits et que nous avons cherché toute notre vie. À chaque fois que nous répondons favorablement à son appel, c’est une victoire sur notre égoïsme, et notre individualisme.
Évangile du dimanche 2 novembre 2025 – Commémoration de tous les fidèles défunts
« Dans la maison du Père, il y a de nombreuses demeures » (Jean 14, 01-06)
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. »
Méditation - Lui, vous enseignera tout !
Au seuil de la mort de Jésus, dans ce départ à nouveau dévoilé, l’incompréhension et l’impuissance des disciples habitent leur silence. Jésus se fait Parole pour qu’ils ne restent pas à la merci de ce qui les bouleverse et les effraie. Cette même Parole cherche un espace en nous, une demeure. Là même où nous sommes si « à l’étroit » et si perdus, au cœur de ce qui nous fait perdre pied.
Et aimer le Christ, en accueillant sa Parole au plus intime, là où seul l’amour peut donner accès, en s’abandonnant, en acceptant d’y plonger, en acceptant de Le laisser descendre en nous...
Apprendre à s’accueillir, comme l’Esprit qui sait que nous sommes à l’école... Il cherche à nous enseigner ce que nous ne savons pas encore... Il désire nous enseigner tout... plus loin que la forteresse de ce que nous croyons savoir, plus loin que la conformité sécurisante à des règles morales, plus loin qu’une connaissance scolaire froide et distante, plus loin que les convictions que nous voulons imposer aux autres... Plus loin... jusqu’à faire craquer ce qui enferme la vie et l’amour. Plus loin... au plus intime en Lui et en nous.
Se laisser enseigner par l’Esprit qui nous fera souvenir, nous donnant de découvrir ce qui est déjà inscrit au creux de notre histoire... Dans la mémoire du cœur, cueillir, lettre par lettre, mot par mot, la Parole que son Amour a gravé au fil de nos jours, même sur les pages déchirées et longtemps avocates de la mort ou illisibles...
Baigner dans sa Parole... comme on le faisait pour développer les photos argentiques[1] plongées dans les bains révélateurs... Et, dans la chambre noire de nos incompréhensions, voir se révéler notre visage de beauté... notre identité tissée à même le métier de l’Amour du Père, cachée même au creux des négatifs où l’Amour du Christ nous accompagne pour vivre notre Pâques dans la sienne...
Et se lever, choisir d’avancer sur ses pas, éclairé par une foi renouvelée. Au plus intime de nous, découvrir un « chez soi », que nous n’avons pas construit... qui porte la marque de l’Amour du Père et du Fils. Entendre sa Voix qui prononce notre nom dans la chaleur du cœur brûlant et découvrir combien nous étions ignorants de tout...
Évangile du samedi 1 novembre 2025 – Tous les saints
« Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » (Mt 5, 1-12a)
En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »
Ce matin, nous sommes convoqués à revisiter ensemble les Béatitudes :
ce chant de résistance, ce chant de grande espérance… écho au Magnificat !
Chouraqui traduit « Heureux » par « En marche ».
Cette expression « En marche » éveille en moi cette parole de Jésus au paralysé : « Lève-toi, prends ton grabat et marche! » (Jn 5,8)
Alors, aujourd’hui, proclamons :
Lève-toi, marche, toi qui es pauvre de cœur
Tu marches humblement avec ton Dieu, attiré par sa Parole…
Chemin faisant, tu découvres que tout vient de Lui : la vie, le mouvement et l’être. (Ac 17,28)
Tu résistes à l’orgueil, à la cupidité, à la convoitise…
Tu sais partager généreusement tes dons, tes talents et ta richesse…
Vis debout, pèlerin d’espérance : déjà, tu as accès aux dons de Dieu !
Lève-toi, marche, toi qui pleures
Tu accueilles tes pleurs et ceux de tes frères et sœurs,
Tu résistes à la dureté et à la sécheresse du cœur,
Tu te laisses toucher par la souffrance et la plainte qu’entraînent le mal et la mort : avec les autres, tu les ouvres à l’Esprit…
Vis debout, pèlerin d’espérance : la consolation vous sera donnée !
Lève-toi, marche, toi qui es doux
Ton cœur reflète la douceur du Christ. (Mt 11,29)
Avec ta force intérieure, tu résistes à vivre avec la haine au cœur.
Enseignable et humble, tu apprends à réagir devant la violence avec une charité active. 1
Vis debout, pèlerin d’espérance :
en héritage, Dieu te donnera ce qu’il donne à ses fils et à ses filles !
Lève-toi, marche, toi qui as faim et soif de la justice
Ton cœur désire s’ajuster à Dieu qui ne veut pas les sacrifices mais le partage, la dignité et l’équité pour chacun de ses enfants…
Tu résistes à l’égoïsme qui entraîne l’injustice…
Dans tes engagements, l’Esprit te donne un regard, une parole, un geste ajustés pour combattre les inégalités.
Vis debout, pèlerin d’espérance : ton cœur sera rassasié !
Lève-toi, marche, toi qui es miséricordieux
Tu vois la misère avec les yeux du cœur et tu te laisses émouvoir…
Tu résistes à la rancune et à la vengeance.
Tu avances sur le chemin intérieur pour arriver au pardon qui libère en profondeur…
Vis debout, pèlerin d’espérance : ta vie sera visitée par la miséricorde !
Lève-toi, marche, toi qui as un cœur pur
Dans ton cœur, «Amour et vérité se rencontrent » (Ps 84, 11)
Tu sais vivre dans la vérité et accueillir la vérité de l’autre,
Tu résistes à tout ce qui pourrait contaminer la source de vie en toi…
Vis debout, pèlerin d’espérance :
tu verras Dieu dans le lever du soleil, dans le chant des oiseaux,
dans un rire d’enfant, dans le secret au cœur de toute personne !
Évangile du vendredi 31 octobre 2025 – 17e semaine du temps ordinaire
« Si l’un de vous a un fils ou un bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas aussitôt l’en retirer, même le jour du sabbat ? » (Lc 14, 1-6)
Un jour de sabbat,
Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens
pour y prendre son repas,
et ces derniers l’observaient.
Or voici qu’il y avait devant lui
un homme atteint d’hydropisie.
Prenant la parole,
Jésus s’adressa aux docteurs de la Loi et aux pharisiens
pour leur demander :
« Est-il permis, oui ou non,
de faire une guérison le jour du sabbat ? »
Ils gardèrent le silence.
Tenant alors le malade, Jésus le guérit et le laissa aller.
Puis il leur dit :
« Si l’un de vous a un fils ou un bœuf
qui tombe dans un puits,
ne va-t-il pas aussitôt l’en retirer,
même le jour du sabbat ? »
Et ils furent incapables de trouver une réponse.
« Tenir à la vie plutôt qu’à la Loi »
À quoi, à qui tenons-nous ? À des principes, des lois, des repères qui nous rassurent ? À ces certitudes qui nous placent du côté de ceux qui savent, qui ont raison, et qui, parfois, se croient autorisés à juger les autres ?
La question pourrait nourrir bien des débats… c’est déjà celle que les pharisiens posent à Jésus, silencieusement, par la mise en scène de cet homme malade placé devant lui, lors de ce repas où ils l’observent, un jour de sabbat.
L’évangile précise : Jésus « tenant » le malade…
Cette expression est unique et retient l’attention. Avant de le guérir, Jésus tient l’homme. Je le comprends sous la forme : il tient à lui. Son geste révèle sa proximité, sa fidélité à la vie de l’autre. Il tend la main, comme il est dit dans le psaume :
« Tends-moi la main, délivre-moi, sauve-moi du gouffre des eaux » (Ps 143,7).
Jésus touche, mais sans emprise. Il relève, soigne (le verbe grec le dit bien : soigner, et non simplement guérir), puis il laisse repartir. Il rend à l’homme la liberté de vivre.
C’est ainsi que Jésus « accomplit » la Loi : en la mettant au service de la vie.
De ce malade, nous ne savons rien, sinon le nom de sa maladie : l’hydropisie.
Un mot rare, étrange, d’une précision que seul le médecin St Luc retient. Le dictionnaire parle d’œdème, mais la tradition juive y voit aussi une image spirituelle, un gonflement dû à l’excès : excès d’eau, d’orgueil, ou… de Loi. Car le midrash rappelle que le mot « guf » signifie à la fois corps et doctrine : quand la Loi se démultiplie et devient trop pesante, elle peut étouffer le corps de la doctrine, ou plus précisément la noyer. Cette eau qui met la vie de l’hydropique en danger, est celle aussi dans laquelle pourraient se noyer le fils ou l’âne de ses auditeurs. Eau source de vie, mais dont l’excès conduit à la mort.
Ainsi, alléger ce qui est excessif, redonner souffle, c’est ouvrir un chemin de vie.
Jésus, en guérissant un jour de sabbat, révèle que le respect de la Loi n’a de sens que s’il sert la vie. Le sabbat, jour de repos, devient jour de relèvement.
Alors, à quoi, à qui tenons-nous ?
Sommes-nous prêts à reconnaître que tenir à la Loi n’a de valeur que si nous tenons d’abord aux personnes ?
Jésus ne supprime pas la Loi, mais il en révèle la finalité : elle est au service de la vie, de la relation, de la croissance.
Dans l’accompagnement spirituel comme dans la vie quotidienne, il ne s’agit pas de se réfugier derrière un principe pour éviter d’avoir à exercer son discernement, mais d’oser écouter ce que notre conscience inspire dans chaque situation.
Tenir à la vie, tenir à l’autre, tenir à Dieu : voilà la Loi accomplie.
Libère-nous, Seigneur, de ce qui alourdit nos cœurs, de nos excès de loi, de nos certitudes trop étroites.
Donne-nous un regard qui choisisse toujours la vie, et une parole qui relève plutôt qu’elle ne juge.
Évangile du jeudi 30 octobre 2025 – 30e semaine du temps ordinaire
« Il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem » (Lc 13, 31-35)
En ce jour-là, quelques pharisiens s’approchèrent de Jésus pour lui dire : « Pars, va-t’en d’ici : Hérode veut te tuer. » Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : voici que j’expulse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et, le troisième jour, j’arrive au terme. Mais il me faut continuer ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem.
Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre temple est abandonné à vous-mêmes. Je vous le déclare : vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vienne le jour où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Méditation - Vous ne me verrez plus
En priant la Parole de ce matin, monte en moi ce verset de saint Jean : « Je suis venu en ce monde pour que ceux qui ne voient pas puissent voir (Jn 9.39) ». Alors que le Christ monte vers sa Pâques et que sa chair disparaîtra sur la croix, sa venue éclairera de vie ceux et celle qui n’avons pu le voir. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!
Cette venue, depuis deux millénaires et pour les siècles des siècles, ne peut être repérée que par les yeux de notre intériorité, par le regard de notre essence-enfance qui tapisse notre cœur profond. En ce sens, mon accomplissement, le vivant de ma vie, n’est pas une réalité à conquérir, à réussir ou à mériter. C’est un réel à cueillir, à laisser mûrir, à découvrir par une naïveté toute spirituelle. C’est l’immensité de l’instant à savourer avec une joie immaculée; la joie évangélique des apôtres en envoi, d’une Marie si maternelle à Cana, d’une Samaritaine qui s’élance sans cruche vers les siens.
Un jour vient dans les saisons de nos vies, où le Seigneur nous ressuscite par sa venue à travers l’autre. Certains l’appellent conversion, d’autres résilience, croissance post-traumatique ou lâcher-prise profond. Fixant la lumière à travers les noirceurs de la morsure d’un cancer, de l’usure d’un deuil familial, du naufrage inouï d’un proche jusqu’à s’enlever la vie, c’est parfois à cette condition que nous l’apercevons : lui le Vivant de toute vie. Voir le Christ quand ma pauvreté est illuminée par la pauvreté de l’autre à ma rencontre alors que je suis impuissante, humiliée, fragile. Une pauvreté qui me rend digne d’admiration pour le Père alors que je désire de moins en moins être admirée.
C’est la posture de l’enfant, absorbé et croyant, qui joue librement dans la clarté étoilée. C’est la posture de l’enfant qui, à partir d’une intériorité qui a faim, reste ouvert à l’inédit que révèlent les ruines de mon chemin blessé. C’est encore la posture de l’enfant qui accepte l’impossible comme une chose tout à fait normale car la vie surnaturelle, ce réel tissé dans le spirituel, prend les apparences de l’insouciance. Cette enfance-essence qui nous habite porte le goût de l’infini et la saveur de l’éternité, elle nous rappelle que ce que je crois n’est pas ce que je sais, ce que je vois n’est pas ce qui est visiblement conforme.
Évangile du mercredi 29 octobre 2025 – 30e semaine du temps ordinaire
« On viendra de l’orient et de l’occident, prendre place au festin dans le royaume de Dieu » (Lc 13, 22-30)
En ce temps-là, tandis qu’il faisait route vers Jérusalem, Jésus traversait villes et villages en enseignant. Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et n’y parviendront pas. Lorsque le maître de maison se sera levé pour fermer la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes.” Alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.” Il vous répondra : “Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice.” Là, il y aura des pleurs et des grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous-mêmes, vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
La porte étroite du cœur de Jésus est largement ouverte.
À la question concernant le nombre des sauvés, Jésus refuse de répondre. Jésus pressent-il que cette question dissimule le secret désir de se valoriser soi-même au détriment des autres pour mieux les juger ? Se croire du petit nombre des gens sauvés revient à se placer en sécurité au-dessus de tous. L’écrivain Stendhal dédicaçait La Chartreuse de Parme « to the happy few ». Avec dédain, il réservait son roman « à quelques rares privilégiés ». Le savoir de l’intelligence donne le sentiment de faire partie de l’élite de ceux qui savent… Mais, l’évangile de Jésus-Christ ne se place jamais au-dessus du terrain ordinaire de la vie. Jésus réveille le cœur qui est une adhésion de l’être, il suscite un partage d’amour. Jésus ne livre pas des connaissances spéciales sur l’avenir qui nous dispenseraient du combat quotidien de la foi.
Qu’est-ce que le combat de la foi ? C’est une aventure intérieure que l’on vit en engageant son existence. Lutter contre sa propre pesanteur en lâchant ce qui alourdit, se dégager des imaginations de grandeur en se coulant avec souplesse dans les passages étroits. Celui qui ne se soucie plus de réaliser ses propres projets, mais reçoit du jour présent ce qu’il faut pour suivre le Christ, celui-là a lâché l’encombrant bagage du moi. Oubliant que nous sommes aimés du Père, notre psychisme blessé court dans tous les sens pour rattraper notre dignité perdue. Affolé par notre faiblesse, le moi prétend compenser notre vide en y jetant toutes sortes d’illusions. Le moi se carapate comme un canard sans tête. Nous perdons la tête dans des courses folles pour ramasser notre vie en fuite. Quel malheur ! Cette porte par laquelle nous voulons entrer pour nous sauver par nous-mêmes est toujours plus haute, toujours plus exigeante. Combien dans notre société perdent la santé et le goût de vivre à force de courir derrière les performances ? La barre est très haute !
Mais, en vérité, suivre le Seigneur est un chemin qui est plus humble et plus humain : « Car mon joug est doux et mon fardeau est léger » (Mt 11,30). Au contraire des exploits imposés par notre société, le premier geste de la foi consiste à accueillir sa faiblesse. Celui qui croit sait qu’il est aimé de Dieu jusque dans sa petitesse. Inutile de forcer la porte du salut les mains encombrés de grandeurs, car seules les mains vides sont capables de recevoir les richesses de Dieu.
No 53 – série 2025-2026Évangile du mardi 28 octobre 2025 – Saints Simon et Jude
« Il en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres » (Lc 6, 12-19)
En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu. Le jour venu, il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres : Simon, auquel il donna le nom de Pierre, André son frère, Jacques, Jean, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques fils d’Alphée, Simon appelé le Zélote, Jude fils de Jacques, et Judas Iscariote, qui devint un traître.
Jésus descendit de la montagne avec eux et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Ils étaient venus l’entendre et se faire guérir de leurs maladies ; ceux qui étaient tourmentés par des esprits impurs retrouvaient la santé. Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous.
Texte d’Évangile tiré du Prions en Église. S’abonner au Prions.
La lumière du soleil nous parvient après avoir parcouru les 150 millions de kilomètres qui séparent la terre du soleil en 8 minutes et 03 secondes. Nous sommes une fibre tissée dans l’immense vêtement de l’univers. Cette onde lumineuse nous met en mouvement dans son ondulation. « L’onde que nous sentons passer ne s’est pas formée en nous-mêmes. Elle nous arrive de très loin – partie en même temps que la lumière des premières étoiles. Elle nous parvient après avoir tout créé en chemin. » (1) Chaque être vivant emporté par cette énergie est déposé un peu plus loin dans l’aventure de la vie, attendant une autre vague qui poursuivra l’élan. Pourtant, cette onde dont notre chair se forme, nous ne pouvons dire qu’elle nous envoie. Elle nous met en mouvement, son flux nous contraint d’avancer, mais, elle ne nous envoie pas.
Sans l’Esprit Saint, les signes naturels que Dieu offre à tous (comme la lumière, la station debout, la chance d’exister) perdent leur beauté. Sans la foi, ces signes s’évaporent et n’articulent plus une parole qui réjouit la vie. Alors, égarés dans l’existence, les hommes errent en aveugle. Jetés dans le monde, ils n’ont pas le sentiment d’être envoyés dans l’existence pour y accomplir une mission gorgée de sens ! Car, pour l’homme, l’envoi n’est pas un fait naturel, mais une réalité mystique qui jaillit des profondeurs de Dieu. Recevoir de Dieu notre existence comme un envoi est une grâce donnée à un cœur filial. L’ancienne liturgie latine terminait la messe par la formule : « Ite Missa est » qui signifie « Allez, c’est l’envoi » ou « Allez, c’est le temps de la mission ». Avec ces derniers mots de la messe, un envoi commence pour délivrer dans la vie la joie reçue à la table du Seigneur. Nourris par le pain de vie, les disciples de Jésus marchent dans le monde où ils sont envoyés.
Du nombre de ceux qui Le suivent, Jésus choisit douze pour former le corps des apôtres. Le Peuple d’Israël structuré en Douze tribus constituées autour d’un des douze fils de Jacob (Gn 35, 22-26) disait la diversité du peuple et son unité dans la promesse faite aux patriarches. L’élection d’Israël n’est ni une supériorité, ni un privilège, mais le signe d’un don. Ce chiffre Douze, Jésus le reprend et l’oriente vers l’envoi. Pourquoi envoyer des disciples dans le monde ? Les douze tribus d’Israël demeuraient à l’intérieur de la Terre Promise. Avec Jésus les temps mûrissent, l’élection d’Israël accomplit sa vocation universelle dans le déploiement pour tous des dons de Dieu : « Il appela ses disciples et en choisit douze auxquels il donna le nom d’Apôtres. » En effet, le mot « apôtre » vient d’un verbe grec qui signifie « envoyer ».
Ce qui est donné à Israël concerne l’humanité entière. Jésus accomplit la prophétie de Jérémie dans laquelle Dieu promettait une « alliance nouvelle » (Jr 31,31), non plus écrite...
Évangile du lundi 27 octobre 2025 – 30e semaine du temps ordinaire
« Cette fille d’Abraham, ne fallait-il pas la délivrer de ce lien le jour du sabbat ? » (Lc 13, 10-17)
En ce temps-là, Jésus était en train d’enseigner dans une synagogue, le jour du sabbat. Voici qu’il y avait là une femme, possédée par un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser. Quand Jésus la vit, il l’interpella et lui dit : « Femme, te voici délivrée de ton infirmité. » Et il lui imposa les mains. À l’instant même elle redevint droite et rendait gloire à Dieu.
Alors le chef de la synagogue, indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat, prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. » Le Seigneur lui répliqua : « Hypocrites ! Chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache-t-il pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ? Alors cette femme, une fille d’Abraham, que Satan avait liée voici dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de ce lien le jour du sabbat ? »
À ces paroles de Jésus, tous ses adversaires furent remplis de honte, et toute la foule était dans la joie à cause de toutes les actions éclatantes qu’il faisait.
Luc l'évangéliste-médecin raconte cet épisode de Jésus guérissant une femme courbée. Il situe l’un des combats humains (la souffrance et le regard des autres) au cœur de toute la dynamique spirituelle. L'Écriture dit qu'un esprit la rendait si courbée, au point qu’elle était incapable de se redresser depuis 18 ans. On savait même depuis quand elle a été ‘’possédée’’ par cet esprit mais on ignore son âge et son nom ce qui nous la rend étrangement contemporaine. Aujourd’hui, on aurait pu donner pour nom à cet esprit ''la camptocormie'', une forme de cyphose chez les adultes qui est aussi appelée syndrome de la colonne vertébrale courbée. Ce mal peut être le symptôme de plusieurs maladies. Tiens!!!
Cette femme donc se trouve dans la synagogue comme tout le monde. Elle fait partie des hommes, des femmes et des enfants dont on se détourne par gêne, par peur, par pudeur et sa ténacité à avoir une vie normale force d’admiration. La honte qui habite les regards des autres qu’elle croise l’habite aussi, la gêne et les regards de pitié et la fuite l’habite mais elle est là.
Jésus la sort de l'anonymat, l’interpelle. Il lui redonne sa dignité sociale. C’est lui qui, interrompant ce qu’il faisait, lui accorde toute son attention au point de lui imposer les mains. Il lui donne la santé. Il la restaure physiquement. Jésus dit : « te voici délivré de ton infirmité » autrement dit te voici libre face à cette infirmité. Prends ton envol. Prenons le temps de recevoir cette parole de Jésus pour nous aujourd’hui.
Il y a un chemin qui se fait en elle et qui est la marque de l’agir du Seigneur. Restaurer, libérer pour faire entrer dans l’espace de la grâce, le lieu d’une rencontre intime. Le signe extérieur de la guérison concrétise le vécu interne.
Le récit aurait pu s’arrêter là. Mais le chef de Synagogue, par sa remarque, oblige Jésus à clarifier le véritable respect du sabbat qui contente Dieu et les hommes: ''la joie de Dieu et c'est l'homme debout, d'une part, et La joie de l'homme et c'est un Dieu sauveur d’autre part.'' (st Irénée de Lyon). L'hypocrisie du chef de la synagogue ne nous est pas étrangère. Voyons un peu: qui est Dieu pour moi et quelle est ma relation avec lui? Nous verrons nos hypocrisies. Personne n'est parfait. Il ne s'agit pas de culpabiliser.
Je me suis surprise à penser aux différentes courbures vertébrales qui nous empêchent de lever les yeux; ces esprits qui nous recroquevillent sur nous même, réduisent notre espace et notre vision.